L'homme du Tout-monde
«J’entends l’an marteler sur tes pistes son cri atone
J’entends le tambour lent des terres qu’on dessouche entends
La terre dans la bouche et le vocable dessillé
Comme un ban de tribus qui vont rouvrir la guerre, et c’est
Le chaud du sel aux mains païennes d’adversaires.
Sens
L’ardue nécessité en vain tordre ton corps, famine
Où poussent vents sagaies mers et fureurs, forêts surprises
La maille du vent lèche le brasier, des enfants crient
Une case brûle, un guerrier meurt, des herbages fument
Au ciel brûlé famine, et famine dans ta verdeur
Et dans le mot scellé monotone j’entends famine
Oho mots de nos sangs que voici marteler le temps
De jours quatorze fois balancés dans le feu terrible
Je vois ce cœur tressé de fer, les jours crépus, le sang
Et au butin ce rien de sel à goût d’herbe brûlée»
Edouard Glissant, Afrique in Le sel noir