Le poète aux deux visages
Jean Auvray (1580-1624), poète et chirurgien normand est l'auteur de poèmes aussi bien religieux que satiriques, il alterne tout au long de sa vie des vers pieux et obscènes. Il dépeint le chemin de Jérusalem et l'instant d'après des scènes d'orgies scatophile. Un Dr Jekyll et Mister Hyde de la poésie baroque. Je vous épargne Le Tombeau du Rud'en soupe et Le triomphe de la croix pour vous livrer les multiples facettes de son talent en deux sonnets :
Vieille femme, (La reine de Tunis), Quentin Massys, 1513
Un oeil de chat-huant, des cheveux serpentins,
Une trogne rustique à prendre des copies,
Un nez qui au mois d'août distille les roupies,
Un ris sardonien à charmer les lutins,
Une bouche en triangle, où comme à ces mâtins
Hors oeuvre on voit pousser de longues dents pourries,
Une lèvre chancreuse à baiser les furies,
Un front plâtré de fard, un boisseau de tétins,
Sont tes rares beautés, exécrable Thessale.
Et tu veux que je t'aime, et la flamme loyale
De ma belle maîtresse en ton sein étouffer ?
Non, non, dans le bordeau va jouer de ton reste ;
Tes venimeux baisers me donneraient la peste,
Et croirais embrasser une rage d'Enfer.
Femme nue allongée, Giovanni Boldini
Ma belle un jour dessus son lit j'approche
Ma belle un jour dessus son lit j'approche
Qui me baisant là sous moi frétillait
Et de ses bras mon col entortillait
Comme un Lierre une penchante Roche.
Au fort de l'aise et la pâmoison proche
Il me sembla que son oeil se fermait,
Qu'elle était froide et qu'elle s'endormait
Dont courroucé je lui fis ce reproche :
Vous dormez donc ! Quoi Madame êtes-vous
Si peu sensible à des plaisirs si doux ?
Lors me jetant une oeillade lascive
Elle me dit : Non non mon cher désir
Je ne dors pas mais j'ai si grand plaisir
Que je ne sais si je suis morte ou vive.