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Le hussard vert
21 février 2010

Un peu de savoir-vivre et beaucoup de savoir-faire

En un seul livre, Hédi Kaddour est devenu un grand romancier français. C'était en 2005, Waltenberg m'avait subjugué. Je me souviens encore du bandeau :"Une taupe dans le siècle" et de l'incipit : "Le geai a cessé de crier. Hans a une pointe de sabre sur le ventre, un sabre à courbe légère." Ça commençait en 1914 par une charge de cavalerie, ça finissait en 1989 par la chute du mur de Berlin. Entre les deux quelques secrets échangés en dégustant des kirshentorte et des histoires d'amours. Hédi Kaddour m'avait offert 720 pages de pure littérature. Un style ample et généreux, une intrigue structurée, polyphonique et surtout un personnage, une cantatrice : Lena Haelström, envoutante - je l'imaginais en Lauren Bacall, celle du Port de l'angoisse. Durant ces cinq dernières années, je me souviens avoir relu des phrases merveilleusement ciselées, des phrases qui m'interdisait d'écrire pour une semaine :

"Manœuvre de cavaliers, avec ses ordres à mi-voix […] : un retardataire de taille moyenne, mince, cheveux bruns, avec de grandes oreilles décollées, tente de prendre place parmi eux, il porte un nom propre conforme au cliché du Français qui veut voyager en première avec un billet de seconde et trois syllabes seulement, une pour le prénom, deux pour le nom, le strict minimum qui permet à un personnage de venir errer aux marges d'une scène mais ne l'autorise peut-être pas à s'avancer au premier rang de ce qui va être une des charges les plus glorieuses de la cavalerie française."

Ou encore :

"Max proteste, Hans et lui ont justement fait beaucoup de choses en coïncidence ces derniers temps, ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à les avoir faites, et tout vient de là, la coïncidence. S'il n'y avait pas eu des millions et des millions de coïncidences au cours de l'été 1914, la pittoresque scène qui se met en place aurait dû être remplacée par une partie de whist dans un salon à grands rideaux vert sombre ou le monologue d'un homme qui va s'endormir."

waltenberg1 Waltenberg, Hédi Kaddour (Folio)

Dans son nouveau roman, Hédi Kaddour nous offre le retour de Max Goffard et de Lena. On est heureux de la retrouver intacte dans l'Angleterre des années trente. Elle est belle, hésite entre plusieurs amants. Elle répète des liede pour un concert avec un pianiste bien maladroit, se promène avec Max, écoute, jalouse, séduit. Au gré des rencontres, on plonge dans la crise sociale, dans les souvenirs de la Bataille de Mons, dans les arcanes du parti fasciste anglais. On admire tout cela bien assis à une table du Regent's en compagnie de lords, de généraux et de femmes charmantes. La discussion s'attarde autour d'un brandy avec un maître d'hôtel, héros de la première guerre mondiale, et l'auteur nous amène d'une plume élégante là où il veut, c'est à dire à la surprise, à la vraie et surprenante surprise. Et comme je ne souhaite pas vous ôter une once de plaisir, je me tais.

savoir_vivre Savoir-vivre, Hédi Kaddour (Gallimard)

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