Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le hussard vert
29 mai 2009

Journal d'un marchand de canons

vasset

Je viens de finir le dernier livre de Philippe Vasset, Journal d'un marchand de canons (Fayard). Le livre remplit son but, informer sur la réalité d'une économie confidentielle et pourtant globalisée. Le style est sobre, agréable à lire. Le narrateur est incarné et crédible, il progresse chez Matra, à la DCN et comme consultant indépendant dans le commerce des armes, à Bagdad, Caracas, Paris ou Tripoli. Il archive tout jusqu'à devenir le romancier de sa vie, faire coincider la légende avec la réalité, ses rêves avec ses polaroïds. Il s'attendait à une vie d'aventure mais son métier se résume à des antichambres d'ambassade, des bureaux de colonels ou de généraux, des halls d'hôtels ; attendre et observer, des tâches assurément peu littéraires car immobiles et silencieuses mais l'auteur a réussi à dessiner une ligne ténue qui intéresse. Au début, le narrateur est enthousiaste, il pense faire l'Histoire. Au fil de ses réussites et de ses déboires, il se rend à l'évidence, il fabrique tout au plus des événements. Son existence est une suite d'anecdotes dans des endroits sulfureux : Bagdad 1980, Tripoli 2005... entrecoupées de longues périodes d'attente et de vide. En cela Philippe Vasset poursuit son étude des blancs ! (Cf. l'original Un livre blanc chez Fayard qui racontait les lieux en blanc sur les cartes ign de la région parisienne). Ici, il s'agit des blancs de l'existence, le narrateur reste en marge, plus observateur qu'acteur. Il n'a pas de vie personnel, il n'existe pas. Il est même presque déçu de n'être pas inquiété judiciairement. Comme un jeu de vase communiquant, son échec à faire l'Histoire avec un grand H devient l'écriture de son histoire, une manière de légitimer ses actes. Ses ambitions littéraires rachètent sa vie de rien, du moins la sublime.

Le titre est bien trouvé car si le film Lord of War raconte la vie d'un trafiquant d'armes (qui est évoqué dans l'ouvrage), les 174 pages de ce bouquin relatent la vie d'un épicier. "Ils sont beaux mes missiles !" "Une Demi-douzaine de sous-marin en promo !"

En fait cet homme vit par procuration, il se sent supérieur au commun des mortels parce qu'il sait ce qui se trame. on entend les noms de Sarkozy, Chirac, Kouchner, Kadhafi, Sadam Hussein... Il côtoie des grand marchands d'armes, des cheiks, des intermédiaires russes... il aime le côté people de ce business et quand tout s'arrête, il revient à la triste banalité. La fin du livre, sans la dévoiler me rappelle l'épilogue des Affranchis de Scorcese, quand Henry Hill (Ray Liotta) après avoir vécu une vie palpitante, ramasse son journal en peignoir dans une banlieue quelconque, fixe la caméra et  dit : "Je me réveille dans la peau d'un plouc."

Ces romans réalités équivalents des docu-fictions télévisuelles sont intéressants quand ils sont bien faits. Il y a trois ans, j'avais lu les Coeurs autonomes (Grasset) de David Foenkinos, une histoire d'amour inspirés du fait divers des amants tueurs de la places de la Nation. Très bien. Je n'ai pas lu l'affaire Grégory de Philippe Besson ou Les ballets roses de Duteurtre mais le genre s'installe dans le paysage éditorial et renouvelle l'art romanesque. En son temps, Albert Londres (Au bagne) ou Cendrars (Rhum) avaient exploré cette voie avec succès. Philippe Vasset est dans leurs pas. J'ai hâte de lire Journal d'un affameur, prochain titre de la collection.

Publicité
Publicité
Commentaires
Le hussard vert
Publicité
Publicité