Du rire en littérature...

La rentrée littéraire, c'est aussi la rentrée tout court : la reprise des cours, du boulot. (Pour moi, c'est demain !), les jours qui raccourcissent, le mercure qui reflue, bientôt les feuilles tomberont et la campagne sera jaune et brune. Nous nous décolorerons au fil des jours et avant mi-octobre (mon anniversaire) nous serons blanc comme les cachets d'aspirine que nous ingurgiterons pour combattre la grippe. Bref, nous sommes encore dimanche 6 septembre, bronzé et reposé, et pour rester le plus longtemps possible d'humeur joyeuse, je vous propose quelques livres aux vertus hilarantes.

Ces livres sont drôles mais ce sont aussi de bons romans voire de très bons. L'humour n'est que le vernis sur une œuvre plus épaisse, c'est un moyen et non une fin. C'est un top 10 sans ordre de préférence :

1. Drôle et absurde

L'Etourdissement, Joël Egloff (Folio)

Egloff décrit un monde loufoque, nauséabond et cafardeux qui, par l'accumulation des détails et la naïveté du personnage principal, provoque le rire. Une belle satire de notre époque et une scène d'anthologie surréaliste : l'annonce de la mort d'un collègue à sa veuve - J'en ai pleuré de rire.

Edmond Ganglion et Fils (Folio) est très drôle aussi : La vie d'une entreprise de pompes funèbres dans un village où tout le monde est en bonne santé.

2. Drôle et social

Chroniques de l'asphalte (1/5), Samuel Benchetrit (Pocket)

Après Récit d'un branleur (l'histoire d'un type qui se fait payer pour écouter les malheurs des autres car il n'est doué que pour ça !). A 32 ans, Benchetrit  entreprend de raconter ses mémoires en 5 volumes. Ambitieux !Celui-ci est le premier, il dépeint son enfance dans les cités de la banlieue parisienne. Dépeindre est le mot exact car chaque chapitre est un tableau. L'auteur prend son sujet au sérieux, c'est à dire que pour nous rendre vivante la cité, il l'a rend drôle.  Le tome 2 est sortie mais l'humour devient plus vulgaire, moins naturel. La magie du premier s'est évaporé.

3. Drôle et noir

Le magasin des suicides, Jean Teulé (Pocket)

Un couple de commerçant vend "tout" pour le suicide, leur fille est dépressive mais le petit dernier possède une joie de vivre hors du commun. Il va faire fuir la clientèle au grand désespoir des parents. Jean Teulé est un excellent conteur et adore être "border line". eg. Le cannibalisme dans Je, François Villon et dans Mangez le si vous voulez peut en rebuter plus d'un. Mais dans ce roman l'auteur à trouver un juste équilibre : l'humour noir grand public.

4. Drôle et sensuel

Le potentiel érotique de ma femme, David Foenkinos (Folio)

David Foenkinos possède une belle plume qu'il met au service d'idées étranges et poilantes. Son héros collectionne tout, il va jusqu'à collectionner les moments les plus érotiques de sa femme. La preuve qu'on peut écrire des romans d'amour avec de l'humour ou des romans d'humour avec de l'amour.

5. Drôle et Trash

Nefertiti dans un champ de canne à sucre, Philippe Jaenada (pocket)

Technikart commente sur la couverture : "un amour de swann sous cocaïne". C'est vrai, ce roman est désopilant, trash et touchant.  Beaucoup de mots simples et crus pour décrire des scènes de baises peuvent rebuter le lecteur non averti, mais ces descriptions sont amenés de manière si naturelle qu'elles ne m'ont pas vraiment choqué. Une histoire d'amour donc, où le narrateur flegmatique subit les événements et les commentent avec une drôlerie exceptionnelle. La méthodologie pour "baiser avant le lever du soleil", les scènes chez le médecin ou le dentiste vous feront éclater de rire. Le roman s'essouffle un peu certes mais Jaenada a le génie de la digression et des parenthèses, ce qui donne un ton neuf et entrainant et qui masque les faiblesses de l'histoire proprement dite.

6. Drôle et polar

Malavita, Tonino Benacquista (Folio)

Ce n'est pas le meilleur livre de Benacquista (je préfère Saga ou la Maldonne des sleepings) mais c'est le plus drôle. Un repenti de la mafia du New Jersey est protégé par le FBI et s'installe dans un village Normand avec sa femme et ses enfants. Entre les Sopranos et Weeds, chaque membre de la famille a du mal à s'adapter, le père pour tromper l'ennui entreprend d'écrire ses mémoires pendant que son fils commence à faire chanter ses camarades de classe... (Si cela vous plait, il y a une suite : Malavita encore (Gallimard). A ma connaissance il n'est pas sorti en poche).

7. Drôle et primé

Je m'en vais, Jean Echenoz (Minuit double)

Je m'en vais est le livre de Jean Echenoz, le plus accessible : un peu moins de personnages que d'habitude, une histoire moins complexe, mais toujours des descriptions originales et drôles, des rebondissement farferlues, et des trouvailles narratives et verbales à foison. On ne rit pas à gorge déployé, on ricane et on se régale. Prix goncourt 1999.

8. Drôle et froid

La forêt des renards pendus, Arto Paasilina (Folio)

Une fable humoristique près du cercle polaire dans le Nord de la Finlande. Un homme tout juste libéré de prison va chercher son magot et s'établit dans un chalet dans le désert blanc. Pas si désert que cela : ses complices veulent lui mettre la main dessus et des militaires manoeuvrent dans le coin. Les livres de Paasilina sont toujours construit sur le même schéma (Prisonnier du Paradis, Le lièvre de Vatanen, Petit Suicide entre amis) : une situation rocambolesque poussée à son maximum. On aime ou on n'aime pas, l'humour finlandais mais La Forêt des renards pendus est une bonne réflexion sur la richesse et le travail, un bon vaudeville en Laponie.

9. Drôle et alcoolisé

Le Postier, Charles Bukowski (Cahiers Rouges Grasset)

Charles Bukowski dans toute sa splendeur, de petites combines en cuites monumentales, Hank est Postier. Il est un peu rebelle et beaucoup flemmard, il préfère les courses et les filles au centre de tri. On le comprend. Tout bukowski est dans son premier livre : une sincérité d'alcoolique et un ton drôlissime. 

10. Drôle et énervant

Vous plaisantez monsieur Tanner, Jean-Paul Dubois (L'Olivier)

Jean-Paul Dubois condense sur une année tous les problèmes qu'il a rencontré avec les entrepreneurs en vingt ans. Des couvreurs sans échelle qui soude au briquet, des incendies, des plombier dépressifs, des inondations, des électriciens russes et croyants... des devis miraculeux et des factures salés. Les situations sont surréalistes et dans le même temps sentent le vécu : M. Tanner est rapidement au bord de la crise de nerf. Ca se lit vite et on rit beaucoup.

Autres propositions de lecture : Tortilla Flat de John Steinbeck, Trois pour voir le roi de Magnus Mills, Le stagiaire amoureux de Thierry du Sorbier (mais la fin est nulle !), Ecrivain en 10 lecçons de Philippe Ségur, SMS de Laurent Bénégui...

Comments

[S.]

Je suis d'accord avec toi. Ton choix de livre est vraiment sympa pour illustrer le thème du rire en littérature. Je les ai presque tous déjà lus mais tu m'as donné envie de me plonger dans celui d'Echenoz ! j'y vais de ce pas.

[Lisa]

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