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Le hussard vert
14 mai 2011

Un vampire hélvétique

« Ropraz, dans le Haut-Jorat vaudois, 1903. C’est un pays de loups et d’abandon au début du vingtième siècle, mal desservi par les transports publics à deux heures de Lausanne, perché sur une haute côte au-dessus de la route de Berne bordée d’opaques forêts de sapins. Habitations souvent disséminées dans des déserts cernés d’arbres sombres, villages étroits aux maisons basses. Les idées ne circulent pas, la tradition pèse, l’hygiène moderne est inconnue. Avarice, cruauté, superstition, on n’est pas loin de la frontière de Fribourg où foisonne la sorcellerie. On se pend beaucoup, dans les fermes du Haut-Jorat. A la grange. Aux poutres faîtières. »

Le décor est posé et il sera le personnage principal de ce court roman. Les autres acteurs de ce fait divers pèsent peu en regard de l'athmosphère sordide et délétère de cette époque obscurantiste. Ils sont à peine ébauché, la morte, le suspect, le juge sont des silhouettes, les autres villageois, des ombres. Peu de dialogue, beaucoup de non-dits. Jacques Chessex parvient à saisir la peur primale de ces villages reculés où l'instinct remplace l'intelligence. Certes les crimes commis sont atroces : profanation de sépulture, viol, nécrophagie, mutilation des corps mais est-ce que cette histoire aurait résonné pareillement si un journal local n'avait pas titré : "Le vampire de Ropraz". Un titre qui fit le tour du monde et alimenta la terreur des habitants de la région. L'histoire prend alors une dimension fantastique où la lacheté, l'esprit grégaire, la violence et la bêtise, la xénophobie, les rancunes  et la méfiance alimentent le mythe. Le romancier dresse un portrait sans appel de la populace qui auraient aimé lyncher tous les supects successifs. Mais est-ce que le dernier arrêté est réellement coupable ? Et qui est cette Dame Blanche qui vient de Lausanne soudoyer les gardes pour coucher avec le Vampire ?

Nosferatu

La force de ce livre est son rythme, Chessex a ramassé son histoire sur 110 pages, il l'a épurée au maximum, rendant tranchante chacune de ses lignes, chaque page pourrait faire l'objet d'un chapitre et pourtant la lecture est aisée, le style est rond et poétique. Le ton journalistique mâtinée d'onirisme fonctionne bien. Seul reproche, la fin est un peu trop abrupte, les trois dernières pages auraient pu être développées dans un autre roman. Mais l'idée même de cette fin (je n'en dis rien) efface cette impression négative. Bref, un bon roman.

Le_vampire_de_Ropraz Le Vampire de Ropraz, Jacques Chessex (Livre de poche)

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