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Le hussard vert
11 décembre 2010

Les éclaireurs sans lumière

Dans notre monde épuisé et tortueux, j'attendais d'un roman titré Les Eclaireurs, une histoire incisive et messianique, mais après deux jours et 468 pages, elle n'aura été que pédagogique et consensuelle. La faute incombe au personnage principal qui n'existe jamais réellement. Sliv est brillant mais ne vit pas. Il s'énerve et s'excuse. Il ne dort pas, ne flirte pas, ne boit pas - ou mal. En fait, il ne fait que travailler (ce qui devrait réjouir notre président), s'engueuler avec ses amis et s'interroger sur le but du Centre de Falsification du Réel.
- "Falsifier OK. Mais pourquoi ?" Tout le livre tient dans cette interrogation. Une reformulation de la question décisive de notre génération : "Pourquoi travailler ?"

culture_5 Antoine Bello (1970-)

Antoine Bello pond une suite honorable aux Falsificateurs mais sans la magie de la découverte et sans la folie de la première fois. Ce second opus est beaucoup plus sombre, il articule un récit sur les conflits coloniaux et l'après 11 septembre, sur Al-Quaida et sur la guerre en Irak. Mais la tiédeur du style et des personnages ne pardonnent pas. (Comme Sliv, Youssef, Harvey, Maga, Gunnar, Lena et les autres sont trop lisses). Là où on aurait aimé découvrir une part d'ombre, du cynisme, de la boue et du pus, on lit des débats éthérés sur l'opposition Nord/Sud et des stratagèmes de boy scouts. On s'attendait au grand vertige et on reste au rez-de-chaussée.
De plus, la narration est trop plane, il aurait fallu y apporter un grain de folie pour que le roman décolle réellement et ressemble à un scénario de Sliv. (Une idée aurait été de construire cette suite comme un rapport de la CIA ou plutôt du CFR : froid, distant, implacable ou bien de tenter une structure éclatée avec flashbacks). Là on voyage de Khartoum, à Toronto, de Reykjavik, à Berlin, puis à Dili, Retour à Reykjavik puis direction NYC comme un cadre supérieur qui engrange les miles en faisant semblant de changer le monde. Les histoires s'enchaînent. Chacune est intéressante prise indépendamment mais jamais elles ne prennent corps dans quelque chose de plus grand. Enfin si les révélations des secrets du CFR sont ingénieuses (si,si) elles sont une nouvelle fois desservies par un discours trop linéaire.
Certes, Les Éclaireurs auraient pu être meilleur (d'autant que j'ai adoré Les Falsificateurs), mais n'oublions pas de rendre hommage à l'imagination foisonnante de l'auteur, à sa documentation irréprochable et à sa candeur. Antoine Bello est un bon storyteller. Il livre au final un honnête roman, ce qui au regard de mes attentes est un échec. Je ne lui en tiens pas rigueur et j'ai déjà commandé Enquête sur la disparition d'Emilie Brunet qu'il vient de publier chez Gallimard.

les__claireurs Les Eclaireurs, Antoine Bello (Gallimard)

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