L'art de faire du vrai avec du faux

"C'est l'histoire d'une organisation secrète internationale, le CFR (Consortium de Falsification du réel) qui falsifie la réalité mais dont personne ne connaît les motivations. C'est l'histoire de quelques unes des plus grandes supercheries de notre époque : de Laïka, la première chienne dans l'espace, qui n'a jamais existé, de Christophe Colomb qui n'a pas découvert l'Amérique, des fausses archives de la Stasi. C'est l'histoire d'un jeune homme, embauché par le CFR, qui veut comprendre pourquoi et pour qui il travaille. C'est l'histoire d'une bande d'amis qui veulent réussir leur vie, sans trop savoir ce que cela veut dire. C'est, d'une certaine façon, l'histoire de notre siècle"

La quatrième de couverture est alléchante et le livre tient en partie ses promesses. D'abord le sujet est passionnant, on revisite le siècle avec un jeune islandais candide et on découvre pas à pas les supercheries montées par le CFR au cours de l'histoire. Le roman est bien construit et se dévore d'un trait - j'ai lu les 580 pages en un WE.
Le style est honnête mais beaucoup de ficelles sont visibles, en fait Les Falsificateurs n'avaient rien pour m'intéresser et pourtant j'ai plongé tête la première dans ces histoires vertigineuses car vous devez savoir qu'en lisant ce roman vous en lirez dix, du désert du Kalahari, à l'Allemagne Nazi, du Cinéma expressioniste allemand à l'anthropologie, du cours du pétrole jusqu'au galochat (poisson n'ayant jamais existé), vous découvrirez des mondes. En effet, chaque scénario écrit par les membres du CFR sont des romans en puissance, trame, décor, développement, personnages tout y est... Et là réside l'intérêt de ce livre car il présente le CFR comme une maison d'édition et le monde à réécrire comme un roman : une idée originale, des recherches, un scénario, des corrections, beaucoup de corrections, un comité de lecture, encore des corrections et enfin une publication. Sauf qu'ici la littérature influence l'histoire des hommes au sens propre car l'oeuvre écrite sera mise en scène dans la réalité et influencera les événements à venir de l'humanité.

Bref, Antoine Bello est un écrivain à suivre qui construit une oeuvre sur des thémes récurrents : le destin des hommes exceptionnels (lire Les funambules notamment la nouvelle sur l'écrivain Maximilien Zu évoqué dans les Falsificateurs dont le dernier roman ne comptait que 89 mots), l'art du puzzle (Eloge de la pièce manquante et Enquête sur la disparition Emilie Brunet) et dans tous ses livres, l'art de construire une histoire.

Les Falsificateurs de Antoine Bello (Folio Gallimard)