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Le hussard vert
14 juin 2010

Apocalypse crânienne

"Une île sauvage du Sud de l’Alaska, accessible uniquement par bateau ou par hydravion, tout en forêts humides et montagnes escarpées. C’est dans ce décor que Jim décide d’emmener son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d’échecs personnels, il voit là l’occasion de prendre un nouveau départ et de renouer avec ce garçon qu’il connaît si mal. La rigueur de cette vie et les défaillances du père ne tardent pas à transformer ce séjour en cauchemar, et la situation devient vite incontrôlable. Jusqu’au drame violent et imprévisible qui scellera leur destin."

Sukkwan Island s'ouvre sur des scènes propres au Nature Writing : préparatif à l'hiver, coupe du bois, confection d'un abris, d'un fumoir, pêche des premiers saumons ; dans la pluie, dans la neige et dans le vent.  Si le fils est l'adolescent type, introverti et pessimiste ; le père lui est trop optimiste, taiseux le jour, loquace la nuit. Ils forment un couple bancal dont on ne peine à expliquer l'étrangeté. Ils ne parviennent pas à travailler en équipe, ils vivent sur l'île des existences parallèles, réduisant leurs échanges au strict minimum, dehors l'un construit, l'autre pêche ; à la cabane, on mange on joue aux cartes. On économise ses mots et ses sentiments. Ils vivent ainsi plusieurs mois dans le compte à rebours de l'hiver sur un faux rythme angoissant et des non dits vénéneux ; avec en  toile de fond ce décor d'une beauté brute et violente, un monde d'avant le monde. Dans ces terres reculées, le danger survient quand on ne s'y attend pas, et les épreuves frappent plusieurs fois, et  le père, et le fils, maladresse, improvisation , imprudence, jusqu'à la dernière phrase de la page 113. Une phrase qui vous perfore l'estomac et vous laisse KO dans votre fauteuil ou votre lit. - A 1h du matin, sonné, j'ai relu dix fois le paragraphe pour m'assurer d'avoir bien compris, me pénétrer du sens terrible de ces mots, les laisser infuser mon cerveau, les digérer.

Evidemment, je ne vous dirais rien de ce revirement, car après un nouveau roman commence. L'auteur nous attrape par la manche et nous attire dans une exploration de l'âme humaine, dans ce qu'elle a de plus sombre et tortueux, une plongée au cœur des ténèbres, une noyade dans un  gouffre sans fond, un cauchemar.

Le plus souvent, on lit des livres pour se faire plaisir et parfois pour se faire mal. Dans cette deuxième catégorie, Sukkwan Island est un chef d'œuvre.

sukkwan_island Sukkwan Island, David Vann (Gallmeister)

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