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Le hussard vert
22 juin 2009

Un roman très moderne

99701630wao_couv_jpg La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao, Junot Diaz (Plon)

Quatrième de couverture  : "Oscar est énorme. Au fond de la classe, isolé et définitivement hors du coup, il rêve de filles et d'aventures et ne récolte que des déceptions. La seule chose qu'il sait faire, c'est écrire et lire des histoires fantastiques. Exilé dans sa banlieue du New Jersey, il rêve de devenir le Tolkien dominicain. Mais le drame, chez Oscar, est un trait de famille.

Sa brève et merveilleuse vie est frappée au fer rouge d'une malédiction ancestrale: le fukú. Partie de Saint-Domingue, cette tragédie se transmet de génération en génération, comme une mauvaise graine. La saga familiale nous mène ainsi de Belicia, la mère, fuyant son île dominicaine, à ses enfants, Lola, la fugueuse, et son frère Oscar, dont les pas reviennent inexorablement aux origines. Honte à la réputation virile et macho des hommes dominicains, Oscar porte là-bas sa virginité tardive comme un fardeau. Ce n'est pourtant pas sa honte qui le tuera.

Nourrie des destins de ses aïeux brisés par la torture, la prison, l'exil et les amours impossibles, l'histoire d'Oscar s'écrit, fulgurante et désastreuse. Et rejoint la grande Histoire, celle de la dictature de Trujillo, de la diaspora dominicaine aux États-Unis, des promesses avortées du rêve américain.

À chaque page, la plume de Junot Díaz sème ses pépites: sa langue est un patchwork, une musique, un passe muraille entre les civilisations, les êtres et les âges, et son héros poursuit, entre humour et poésie, le but ultime des hommes, l'amour."

diaz_junot_author Junot Diaz (1968-), lauréat du prix pulitzer et du national book award pour son premier roman.

C'est donc l'histoire d'Oscar Wao, de sa mère, de sa soeur, de son grand-père sans que ce soit réellement l'histoire d'une famille. La vie de ces personnages restent parallèles les unes aux autres, des chapitres comme des nouvelles qui se répondent, s'enchevêtrent, s'éclairent. Ils ont pourtant un point commun, tous racontent Saint Domingue et la vie de l'infâme Trujillo en note de bas de page d'abord puis progressivement dans le corps du texte, comme si l'Histoire rattrapait l'histoire, jusqu'à se confondre avec. Pour les notes de bas de pages, il faut s'habituer, s'organiser même car Diaz use du procédé au maximum. Il y développe les anecdotes et les crimes du dictateur. Après un temps d'adaptation, je trouve que cela fonctionne : comme un bonus on a deux romans pour le prix d'un.

Le fil directeur entre les chapitres est le fukù, un mauvais sort de Saint Domingue que la famille de Wao a importé aux Etats-Unis, qui selon Oscar est la cause même de leur exil dans le New Jersey : "Comme vous devez vous en douter, j’ai moi aussi une histoire de fukú. J’aimerais dire que c’est la meilleure d’entre toutes – un fukú de première, mais non. La mienne, c’est pas la plus flippante, la plus éloquente, la plus douloureuse, ni la plus belle. C’est juste celle qui a enroulé ses doigts autour de ma gorge "

J'ai lu ce livre, il y a quelques mois et malgré quelques longueurs, l'histoire tragique de cet adolescent m'a captivé, j'y ai ressenti quelque chose de neuf et de vivant. Au premier abord caricaturaux, les personnages s'incarnent vite, ils sont bien décrits et leur discours sonnent vrais. Ce livre est à la fois un roman d'initiation, un roman historique, une saga familiale et une satire politique. Junot Diaz manie tous ces genres en chef d'orchestre et invente un style hypertextuel très moderne (Note de bas de page, référence aux chapitres précédents). L'écriture est jeune et fraîche (spanglais), la phrase relachée  et la narration se permet beaucoup d'incises et de déconstruction. Il s'autorise même un narrateur improbable : l'ex-beau-frère d'Oscar, ni narrateur omniscient, ni membre de la famille, un entre-deux étrange qui permet un ton et une distanciation originale.

L'auteur écrivait en épigraphe dans Los Boys (10/18) son recueil de nouvelles dont le titre original était Comment sortir une Latina, une Black, une Blonde ou une métisse (Plon) : "Je n’appartiens pas à l’anglais bien que je n’appartienne à nulle part." En fait, ce roman est le reflet de l'identité des immigrants : floue et inclassable.

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